Mathieu Poissard
Dans un environnement industriel en perpétuelle évolution, la transmission des savoirs est un enjeu clé pour assurer la continuité des opérations, la montée en compétence des équipes, l’amélioration continue des processus mais aussi valoriser et pérenniser les entreprises industrielles. Avec le départ à la retraite de nombreux experts, un vivier de jeunes talents de plus en plus réduit et l’intégration de nouvelles technologies, il devient impératif pour les entreprises industrielles de mettre en place des stratégies efficaces pour préserver et partager les connaissances. Cet article explore les défis liés à la transmission du savoir en industrie, les méthodes traditionnelles employées ainsi que l’apport des technologies, notamment l’intelligence artificielle, pour optimiser ce processus crucial.
Qu’entend-on par transmission du savoir en industrie ?
La transmission du savoir regroupe l’ensemble des processus et des pratiques permettant de capitaliser, formaliser et diffuser les connaissances et compétences détenues par les collaborateurs d’une organisation. Elle s’articule autour de plusieurs dimensions :
- Le savoir théorique : les principes fondamentaux, normes et réglementations spécifiques au secteur industriel.
- Le savoir-faire : l’ensemble des compétences techniques et pratiques nécessaires pour exécuter des tâches spécifiques.
- Le savoir organisationnel : les méthodes de travail, les processus internes et les bonnes pratiques.
Une transmission efficace des connaissances permet de limiter la perte d’expertise, de réduire les erreurs et d’améliorer la réactivité des équipes face aux défis opérationnels.

Les défis de la transmission du savoir en industrie
1. Le vieillissement des effectifs et la perte d’expertise
L’industrie est confrontée à un vieillissement de sa main-d’œuvre, avec un nombre croissant d’experts partant à la retraite. En effet, il s’agit d’un des secteurs le plus durement touchés par le vieillissement de la population, comme l’indique une étude de la Dreets de Bourgogne France-Comté.
Les 50-65 ans représentent plus de 25% de la population active En France,et 301 000 experts partent à la retraite chaque année selon une autre étude, de la Dress. Enfin, il est également à noter que selon une étude publiée dans la Revue Economique, Gestion et Société (REGS), 80% du savoir-faire en entreprise reste tacite ! Sans une stratégie adaptée, cela entraîne de facto une perte de connaissances précieuses qui peut impacter la productivité et la qualité des opérations.
2. La complexité et la diversité des savoirs
Les environnements industriels sont caractérisés par des processus complexes, des réglementations strictes et une diversité d’équipements et de technologies. La transmission du savoir nécessite une structuration rigoureuse et une adaptation aux différents niveaux de compétences des collaborateurs.
D’autant plus quand on sait que les formations professionnelles existantes ne couvrent qu’à peine 50% des besoins en recrutement de certaines métiers jusqu’en 2030 !
3. Le turnover et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée
Le secteur industriel peine à recruter et à fidéliser des talents. En effet, 67% des entreprises industrielles françaises ont du mal à recruter comme l’explique cette étude. Une mauvaise gestion de la transmission des savoirs peut ralentir l’intégration des nouveaux employés et nuire à la performance globale de l’entreprise.
Une étude de 2024, nommée The Future of Work et réalisée par Monster, l’industre apparaît comme l’un des secteurs où il est le plus difficile de recruter. près de 10% des offres d’emplois en France émanent de l’industrie. Les principales problématiques résident dans le fait de trouver des profils qualifiés, notamment en ingénierie, en production et en maintenance.
Ajouter à cela un turnover d’environ 15% et vous faites face à une réelle problématique de filière !
4. L’évolution rapide des technologies
Avec l’essor de l’Industrie 4.0, les outils et méthodes de production évoluent rapidement. Les entreprises doivent s’assurer que leurs collaborateurs restent à jour et capables d’exploiter efficacement les nouvelles technologies.
Il faut dire que sur la dernière décennie, le progrès technologique tend à s’accélérer avec l’IA, la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les jumeaux numériques et l’IoT.

Stratégies et méthodes classiques pour bien transmettre les savoirs
Pour garantir une transmission efficace des connaissances, plusieurs approches peuvent être mises en place :
1. La documentation et la standardisation des processus
- Créer des guides, manuels, templates et autres procédures opérationnelles pour structurer les savoirs. Ces outils facilitent l’explicitation et la formalisation des savoirs en guidant les experts.
- Utiliser des bases de connaissances centralisées accessibles à tous les collaborateurs. Une connaissance n’est utile que si elle est partagée et accessible.
- Mettre en place un système de gestion documentaire (DMS) pour organiser et mettre à jour les informations.
S’il y a bien une entreprise qui fasse figure d’exemple absolu dans ce domaine, c’est Toyota. Non-contente d’avoir théorisé et mis en pratique le toyotisme et la production à flux tendus, la firme japonaise est également un modèle du genre pour ce qui est de la transmission du savoir !
2. Le tutorat et le mentorat
- Encourager le mentorat en associant les experts aux nouvelles recrues, ce que l’on appelle aussi le compagnonnage.
- Organiser des sessions de formation sur le terrain pour un apprentissage immersif, ce que l’on appelle la formation en situation de travail.
- Valoriser le partage des expériences à travers des échanges réguliers entre équipes. Ces échanges permettent de remonter les points bloquants et de trouver des solutions par le partage de bonnes pratiques.
L’entreprise française ACMAT a recours au tutorat pour pérenniser son savoir-faire et expertise face au vieillissement de ses effectifs. Le tutorat permet de transmettre des processus et procédures spécifiques à l'entreprise, tandis que le mentorat pourrait être utilisé pour un développement plus large des compétences professionnelles et personnelles des employés.
Il existe aussi le mentorat inversé, qui invite les plus jeunes à former des seniors, notamment aux nouvelles technologies numériques. Des entreprises comme BNP Paribas ou Sanofi ont recours à ce type de pratique.
3. La formation continue et le blended learning
- Mettre en place des formations théoriques et pratiques adaptées aux besoins des employés. Rien de tel que d’apprendre puis de faire pour ancrer un savoir.
- Utiliser des plateformes d’e-learning pour définir des parcours de formation et renforcer les apprentissages.
- Proposer des formations hybrides combinant sessions en présentiel et modules en ligne pour s’adapter à la charge de travail et à la disponibilité des collaborateurs. Numériser une formation permet aux absents d’en profiter également.
Assystem, une entreprise internationale spécialisée en ingénierie a intégré le blended learning au cœur de sa stratégie de formation professionnelle. Cette approche a permis à l'entreprise de développer une culture apprenante dans ses filiales, en élargissant et diversifiant son offre de formations. Le résultat a été un taux de complétion de 89 %, reflétant un fort engagement des collaborateurs, et des performances améliorées
4. L’instauration d’une culture de la transmission
- Encourager le partage des savoirs en valorisant les experts internes, que ce soit par des rétributions financières ou autres. Beaucoup de connaissances ne sont pas partagées par peur de perdre une expertise unique.
- Instaurer des groupes de travail, composés de collaborateurs seniors et juniors, travaillant sur le même type de tâches, pour échanger sur leurs bonnes pratiques.
- Organiser des retours d’expérience réguliers après les projets clés, pour diffuser les enseignements tirés par l’équipe projet.
A titre d’exemple, nous pouvons citer TEXELIS, une entreprise de 280 personnes, confrontée à une situation où certaines activités ont dû être arrêtées en raison de l'absence prolongée d'un technicien en charge de la réparation des machines. Cela a entraîné une baisse d'activité et a mis en évidence l'importance de la transmission des compétences au sein de l'équipe.
Suite à cette expérience, TEXELIS a engagé une démarche spécifique de transmission des savoirs et savoir-faire. Ils ont nommé un "pilote" pour cette action et ont impliqué les managers en place, qui sont considérés comme des acteurs essentiels dans le processus. Initialement, la démarche a concerné les personnes proches de la retraite, mais elle s'est étendue aux fonctions administratives, managériales et de support. TEXELIS a également commencé à cibler les compétences uniques, c'est-à-dire celles détenues par un seul employé.

L’apport de l’IA et des outils modernes pour optimiser la transmission du savoir
L’intelligence artificielle et les nouvelles technologies offrent des solutions innovantes pour améliorer la transmission des connaissances en industrie.
1. L’IA pour formaliser et structurer et diffuser les savoirs
L’IA permet de faciliter la captation de connaissances. Des technologies comme le speech-to-text ou encore l’analyse et le séquençage de vidéo, permettent aux experts d’expliciter leur expertise. En effet, il leur suffit de montrer ce qu’ils font ou de l’expliquer à l’oral, et de façon tout à fait naturelle, pour que l’IA comprenne ce qu’ils font et formalise cette connaissance automatiquement. Avec l’IA, il devient facile et ludique de créer et enrichir une base de connaissances unique. C’est que proposes des solutions comme Intalio, Slite ou encore Trainual.
2. L’IA pour exploiter les bases de connaissances
Les chatbots et assistants virtuels viennent exploiter les bases de connaissances industrielles. Ils facilitent l’accès aux informations en répondant instantanément aux questions des employés, réduisant ainsi le temps de recherche et améliorant l’efficacité opérationnelle. Avec la recherche par l’IA, les collaborateurs ne recherchent plus un fichier ou un document, mais bien une information précise contenue dans ces derniers. Dans ce cadre d’usage, nous pouvons, par exemple, citer Ask for the Moon, Jask ou encore Elium.
3. La réalité augmentée et la formation immersive
Autres technologies connexes à l’IA, la réalité augmentée (aussi dénommée RA) et la réalité virtuelle (VR pour les plus pressés) offrent des expériences d’apprentissage immersives, permettant aux collaborateurs d’acquérir des compétences en situation réelle et de mieux comprendre des processus complexes. Le point fort de ces technologies restent de mettre à disposition une expertise dans un contexte bien précis, celui d’une situation de travail bien réelle. Concernant cette approche, quelques outils semblent se distinguer comme Picomto ou Dimeo d’Innoteo.
4. Shiroo, une solution tout-en-un
S’il existe de nombreuses solutions facilitant la transmission du savoir grâce à l’IA, aucune n’est aussi complète que Shiroo. En effet, avec Shiroo il est possible de numériser une expertise, un savoir-faire, en expliquant oralement à l’application ou en lui montrant en filmant une tâche en cours de réalisation.
Par la suite, l’IA de Shiroo peut venir exploiter la base de connaissances unique de l’entreprise pour répondre aux questions de collaborateurs ayant besoin d’une expertise ou d’une information bien précise.
Enfin, Shiroo est utilisable en situation de travail, grâce à son aspect mobile. Shiroo rend donc toute information accessible au moment où l’on en a vraiment besoin.
Conclusion
La transmission du savoir est un enjeu majeur pour l’industrie, garantissant la pérennité des expertises et la performance des entreprises. Face aux défis liés au vieillissement des effectifs, à l’évolution rapide des technologies et au turnover, il est essentiel d’adopter des stratégies adaptées combinant documentation, formation et culture du partage. L’intelligence artificielle et les outils modernes, comme Shiroo, apportent des solutions innovantes pour structurer et diffuser efficacement les connaissances, optimisant ainsi la transmission des savoirs et contribuant à une industrie plus agile et compétitive.